Cinq ans après le début de ses opérations, l’heure est au bilan mais aussi, à la définition des perspectives pour l’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité (ASP). C’était l’objet de l’atelier de deux jours que la structure a organisé à Saly-Portudal où le chemin parcouru a été magnifié par les différents partenaires de l’Agence. Le bilan fait, les perspectives pour la structure ont été passées au crible avec un plaidoyer pour plus de prérogatives pour l’Agence.

L’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité (ASP) a été créée par le décret n° 2013-1063 du 05 août 2013 avec comme principales missions : « participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du Plan national de Prévention et de Lutte contre la Délinquance, en rapport avec des institutions telles que la Police et la Gendarmerie », « participer à la mise en place de contrats locaux de sécurité, en relation avec les comités départementaux de Prévention et de Lutte contre la Délinquance », « préparer et promouvoir des études et réflexions relatives au développement des acteurs de la police de proximité dans les domaines comme la prévention » et enfin, « assurer le recrutement, la formation et la mise à disposition d’Assistants de Sécurité de Proximité ». Des tâches auxquelles la structure s’est attelée durant les cinq années de sa mise en œuvre avec globalement, beaucoup de réussite dont se sont félicités ses responsables, mais également, ses partenaires et les entités qui utilisent ses services. « Les résultats de l’évaluation interne effectuée, cinq années après sa mise en place, ont fait ressortir que les actions de l’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité complètent et facilitent efficacement les interventions des structures traditionnelles de la sécurité publique, viennent également en appui au fonctionnement correct et régulier des administrations publiques et des collectivités territoriales », se sont félicités les responsables. Pour qui, l’ASP a fini par convaincre l’opinion d’une manière générale, et singulièrement, les acteurs de la sécurité sur son utilité et sa pertinence. Ce, en opérant un maillage sécuritaire exemplaire avec un contingent de 10.000 assistants au démarrage des activités, suivi d’un recrutement de 3.000 nouveaux en 2017 pour remplacer les sortants.

Au-delà des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) qui les encadrent, plusieurs organisations et entités ont recours aux services des agents de sécurité de proximité. Ces derniers leur fournissent une palette de services allant de la surveillance, à la veille sécuritaire en passant par l’appui dans les tâches administratives, le soutien dans les activités comptables et informatiques ou encore, en leur servant de cadre d’études. La mairie des Parcelles assainies à qui on a affecté une quinzaine d’agents profite bien de leur présence, selon le maire, Moussa Sy. « C’est une agence qui est importante dans le dispositif d’assistance à la sécurité de proximité mais aussi, à d’autres tâches. Parce qu’aujourd’hui, dans beaucoup de collectivités territoriales et dans beaucoup de services publics de l’Etat, ce sont les Asp qui suppléent les agents. Que ce soit la Police ou la Gendarmerie, il y a une assistance importante en nombre au niveau de ces services », a-t-il estimé. L’élu local d’ajouter que dans les services d’Etats-civil de beaucoup de communes rurales, plusieurs tâches (chauffeurs, secrétariat, etc.) sont assurées par les Asp. Sa mairie est liée à l’Agence par une convention par laquelle les agents aident dans le suivi du désencombrement des Allées Seydina Issa Rouhou Laye. Mais aussi, « le ‘‘quartier sûr’’ de Cambérène où nous participons par une subvention pour les associations des Hlm Grand-Médine qui comptent 1.000 logements. Mais nous voulons généraliser leur intervention au niveau des 20 quartiers des Parcelles assainies et ensuite, disposer de ce personnel pour mieux renforcer la sécurité dans la commune », a souligné le maire. Les différentes entités représentées dans la rencontre ont globalement apprécié la

contribution des assistants à la sécurité de proximité qui font souvent office entre elles et les populations.

Satisfaits, les partenaires veulent l’élargissement de leurs prérogatives

A l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, le Carrefour d’Etudes et de Recherches Actions pour la Démocratie et le Développement (CERAD) est lié à l’Agence pour mener une recherche sur le Burkina Faso et le Sénégal sur les facteurs de résilience à la violence chez les jeunes dans ces deux pays. « Ce qui nous intéresse dans le travail de ces agents, c’est leur concept de ‘‘quartiers sûrs’’, quelles sont les stratégies et méthodes qu’ils développent pour résister à la violence ? Parce que dans le cadre de notre programme, on s’intéresse à toutes les expériences dans le cadre desquelles, les gens ont soit, été confrontés à la violence et s’en sont sortis, oubien, développent des voies et moyens pour résister à la violence », a renseigné Baba Ly Sall, le responsable du Centre. Pour lui, l’Agence est un bon creuset pour réfléchir sur tous les aspects liés à la violence. « Outre les aspects de sa mission, il y a surtout la façon d’aider les jeunes à surmonter le problème de la violence ; et c’est très important. En tant que chercheur, ce qui m’intéresse dans le travail de l’agence, c’est l’aspect de sa mission qui s’apparente à la recherche et à la production de la réflexion autour de tout ce qui est violence et sécurité », a-t-il ajouté. Pour Moussa Sy, il faut revoir les tâches qui sont dévolues aux assistants et aller vers plus de responsabilité. « Dans le décret qui crée l’Agence, on parle de participation. Je pense qu’il faut aller plus loin, il faudra leur donner plus de pouvoir par rapport à leur expertise. Ils vont ainsi apporter un plus par rapport à la forte demande de sécurité de proximité, a-t-il plaidé.

L’aspect formation des agents est un des volets non négligeables des activités de l’ASP. Et le Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique (3FPT) est sollicité pour appuyer dans ce sens. Serigne Abdou Aziz Seck, son Responsable du Guichet Financements des demandes individuelles de souligner que son institution est liée avec l’ASP depuis trois ans dans le cadre de la mise en œuvre du projet ‘‘Un Asp, un métier’’ où « l’Agence nous a sollicité pour le financement des Asp dans des formations qualifiantes courte durée. Ce, pour aider à leur réinsertion après la démobilisation ». Ce sont ainsi, le Fonds a financé la formation de quelques 1.000 agents des 14 régions sur la base d’une analyse de profil que l’Agence a faite avec la Direction de la Formation professionnelle et technique. M. Seck de promettre que cette action sera évaluée pour apporter des correctifs à ce qui n’a pas marché. Baba Ly Sall a pour sa part, plaidé pour qu’on « renforce l’aspect de la mission de l’Agence qui consiste à réfléchir et faire des propositions et recommandations pour augmenter le facteur résilience de la société et de l’Etat de façon générale. Former des jeunes et les mettre à la disposition des différents secteurs de la vie sociale, c’est un aspect de la résilience qu’il ne faut pas négliger », a-t-il souligné.

Par Ousseynou POUYE

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BIRAME FAYE, DIRECTEUR GENERAL DE L’ASP

« Le maillage national, un atout dans la prévention des actes de délinquance et d’incivilités »

Le séminaire organisé lundi et mardi dernier a été l’occasion pour les responsables de l’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité de faire le bilan des cinq années de mise en œuvre de la structure. Une période qui au cours de laquelle, les Asp ont sensiblement contribué à instaurer une sécurité dans le pays, s’est félicité le Directeur général, Birame Faye. Il a par ailleurs annoncé la poursuite des actions en tenant compte des recommandations.

Après 5 ans d’existence, quel bilan faites-vous des prestations de l’Agence à l’heure de l’évaluation ?

L’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité est une généreuse idée du Président de la République, Macky Sall. Il s’agit d’occuper 13.000 jeunes dans les activités de sécurité tout en leur offrant des formations en vue de leur insertion professionnelle à la fin de leur engagement. Après leur formation générale, initialement 2.000 sont déployés au niveau de la Police et 1.000 à la Gendarmerie, 2.000 aux Collectivités territoriales, 700 à l’Administration territoriale où ils ont subi des formations spécifiques. D’autres assistants de sécurité de proximité sont employés en qualité d’agents administratifs, de comptables, d’aides-comptables, d’informaticiens, de techniciens, de chauffeurs entres autres postes valorisants dans des structures publiques. Recrutés et fixés dans leur terroir, ces Asp participent également à la co-production de la sécurité en évoluant dans les ‘‘quartiers sûrs’’ en relation avec les populations et sous l’encadrement des Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Nous sommes à l’heure de l’évaluation après cinq années d’activités. Les recommandations issues de ces travaux, permettront d’améliorer nos performances, de corriger nos imperfections et d’assurer la pérennisation de l’Agence. Ainsi, nous comptons consolider les acquis et apporter notre touche à cette belle trouvaille qu’est la sécurité de proximité. Je rappelle qu’elle a été développée en 1998 et elle constitue une réalité dans beaucoup de pays notamment en France où l’on parle désormais de la Sécurité de Proximité au Quotidien. Les Canadiens, préoccupés par l’emploi des jeunes et la lutte contre la délinquance juvénile, ont inventé le Travail alternatif payé à la Journée (Tapaj). Au Sénégal, nous avons un modèle innovant avec cette sécurité de proximité conduite dans une démarche participative et inclusive. L’ASP, dans sa mission de prévention assiste les FDS en restant un trait d’union entre elles et les populations. Au-delà de cette activité, ces jeunes volontaires sont formés, coachés et encadrés à travers le programme ‘‘un Asp, un métier’’. L’Agence intègre le volet « employabilité » pour aider ces jeunes à s’insérer à la fin de leur engagement. Ce modèle attire déjà, l’attention de plusieurs pays de la sous-région notamment les pays membres de la Cedeao et du G5 Sahel qui s’intéressent à cette expérience sénégalaise.

L’ASP est une pièce une maitresse dans le dispositif de la sécurité de proximité. Qu’est ce qui explique cela ?

En relation avec les forces régaliennes, nous jouons notre rôle de sécurité de proximité dans la mesure où les Asp recrutés et fixés dans leur terroir, participent à la coproduction de leur sécurité. Au-delà de ce principe de proximité marqué par la connaissance du milieu, le maillage national constitue un atout dans la prévention des actes de délinquance et d’incivilités. Ainsi, avec leur déploiement sur l’ensemble du territoire national et la mise en œuvre du programme ‘‘quartiers sûrs’’, nous participons davantage à développer cette sécurité de proximité en constituant des relais entre les populations et les forces régaliennes. ‘‘Quartiers sûrs’’ est un concept qui promeut la sécurité communautaire dont la mise en œuvre est assurée par l’Agence. Ce programme est expérimenté dans une dizaine de quartiers. En effet, ces agents se sont engagés unilatéralement à servir leur nation en assistant loyalement les Forces de défense et de Sécurité dont le rôle demeure la protection des personnes et des biens.

Par ailleurs, dans le contexte des nouvelles menaces souvent imprévisibles et insoupçonnées, la participation et l’inclusion d’acteurs non policiers s’avèrent nécessaires. A cet égard, la sécurité de proximité constitue d’abord une mission qui s’inscrit dans la prévention, l’alerte et l’assistance aux forces régaliennes. La consolidation des relations entre l’ASP et les FDS va dans le sens de renforcer ce dispositif sécuritaire innovant ; afin de prévenir la délinquance sous toutes ses

formes. C’est pourquoi, nous réaffirmons notre disponibilité à collaborer étroitement avec tous les acteurs concernés par la sécurité.

L’Agence a commandité l’année dernière, une étude pour cartographier la délinquance au Sénégal. Quels en sont les résultats et éventuellement, les mesures de suivi ?

Il s’agit d’un document de référence à la portée des hautes autorités et des responsables de la sécurité. Il permet de mieux cerner la problématique de la délinquance. Conformément au décret portant création de l’Agence, nous devons élaborer les contrats locaux de sécurité, les diagnostics locaux de sécurité et contribuer à la mise en place des comités départementaux de prévention et de lutte contre la délinquance. C’est pourquoi, dans le cadre des missions de l’Agence, nous avons mené une étude en relation avec l’Ecole supérieure d’Economie appliquée (ESEA) et l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD). Les résultats de cette enquête ont montré qu’il y a des zones beaucoup plus sensibles : Kédougou avec l’extraction minière qui implique beaucoup d’étrangers, Dahra avec le vol de bétail et Saly avec le développement du tourisme et son lot de conséquences.

L’engagement civique des agents de la 1ère génération arrive à terme en mars 2020. Quel est le sort qui leur sera réservé après cette échéance ?

C’est ce qui a motivé notre rencontre à Saly réunissant d’éminents experts et spécialistes en sécurité et en employabilité, des spécialistes issus de la formation professionnelle et du monde universitaire. Sous l’égide du ministère de l’Intérieur, nous avons réfléchi deux jours durant, sur les orientations stratégiques afin d’explorer les voies et moyens pour doter l’Agence de ressources adéquates pour remplir de manière convenable ses missions. Nous avons essayé également de définir le type de partenariat à faire prévaloir, d’une part entre l’Agence et les structures du secteur public, et d’autre part entre l’Agence et les collectivités territoriales. Nous avons traité trois thèmes pour étudier le cadre juridique et missions de l’Agence, réfléchir sur l’insertion des Asp, le renouvellement des effectifs et voir le dispositif de pérennisation de l’Agence, partenariat avec le secteur public et motivation des Asp.

Les perspectives de l’Agence en se basant sur les conclusions de l’atelier ?

Au terme de l’atelier, nous avons reçu des contributions pertinentes allant dans le sens de la consolidation des acquis et la pérennisation de l’Agence. Ces conclusions vont aider à la prise des décisions des hautes autorités relativement au devenir de notre institution qui est, je le rappelle une inspiration de du Président de la République. Vous le savez, le chef de l’Etat est préoccupé par le bien être des jeunes. C’est pourquoi, j’ose espérer que l’avenir de ces jeunes Asp est prometteur.

Recueillis par O. POUYE

(Source quotidien Le Soleil)